Le 1er mars 2015, Marylène et Michel arrivaient au Domaine de la Clauzade, à Saint Germain les Vergnes, en Corrèze. Interview croisée sur ce changement de vie et ses motivations :
Pourquoi tout quitter pour la Clauzade ?
Michel : j’étais cadre chez EDF depuis 17 ans, au moment de notre départ j’étais manager chef de projet dans l’Oise. Le déclic est venu d’un constat simple : bien qu’heureux dans mon travail, l’évolution de carrière qui s’offrait à moi aurait finie par grignoter le temps que je souhaitais accorder à ma famille et mes engagements associatifs. J’aspirais à un équilibre différent. Et puis j’avais l’impression que l’organisation dans laquelle je devais m’inscrire n’était pas du tout efficace, on pouvait par exemple reprendre une décision déjà prise quelques années avant, juste parce qu’on avait “oublié” de la faire appliquer !
Marylène : après avoir été professeur des écoles pendant quelques années, j’étais conseillère informatique de la circonscription de Pont Sainte Maxence à l’éducation nationale depuis 10 ans. Mais je manquais de moyens pour aménager mes missions de façon efficace. Par ailleurs, je ressentais une déconnexion entre mes valeurs et mon quotidien professionnel. Je voulais contribuer à un monde meilleur et ne plus attendre le soir ou le week-end pour être pleinement épanouie. Mon aspiration : un retour à l’essentiel, un travail concret et porteur de sens qui me rende fière.
Les deux : La Clauzade était la réponse parfaite. Ce projet nous permettait de travailler ensemble, à la sueur de notre front, tout en vivant en cohérence avec nos idéaux : nous pouvions enfin être aux commandes de notre temps et de notre outil de travail.
Les premières heures à la Clauzade
Le 1 mars 2015, à 21h30, de retour du notaire de Tulle où on venait de signer l’acte de propriété du Domaine, nous avons posé nos valises à La Clauzade, il y avait dedans quatre enfants de 7 à 13 ans, une table en plastique, six chaises, deux pizzas… et un trousseau de clés. La première nuit a été un mélange d’excitation et de doute : qu’allions nous ressentir au matin , lorsque le jour serait levé ? On a mis 3 heures à faire un tour exhaustif de la nouvelle propriété. Le plus impressionnant pour Marylène était d’observer les grands arbres du parc : elle ressentait face à eux une grande responsabilité : un arbre, ce n’est pas une petite plante d’intérieur, chose qui mourrait invariablement chez eux jusqu’à présent… Le potentiel du lieu était énorme !
Le chemin vers la Clauzade
Notre parcours vers ce changement de vie a été rendu possible par plusieurs expériences fondatrices :
Les années de scoutisme :
Michel : Elles nous ont appris à s’adapter, à vivre simplement et à avoir confiance en nos ressources. Le scoutisme nous rappelle que nous sommes tous capables d’une vie simple.
Marylène : Si je doute parfois, je n’ai qu’à repenser au jour où nous sommes arrivés un jour de pluie dans une forêt avec Michel, Anne et Christine à la veille du camp qui rassemblait une centaine de jeunes. Une heure après, nous avions monté la tente intendance et notre tente personnelle. Et le lendemain nous mangions tous autour de feux de camp, heureux de la construction de nos installations pour la semaine. La vie n’a jamais été aussi intense que dans ces moments collectifs. Ce qui était frustrant c’était de ne disposer que d’une ou deux semaines pour nos projets. A la Clauzade, nous avons une vie pour y faire un monde.
Le chemin de Compostelle :
Cette expérience nous a appris à déposer nos fardeaux, à nous concentrer sur l’essentiel et à faire confiance au chemin. Nous n’avions pas conscience des chaines qui nous retenaient de faire un nouveau choix personnel et professionnel : une à une elles se sont déliées et nous sommes devenus libres de notre destin. Nous avons découvert la richesse des terroirs français : l’Aubrac, l’Aveyron, le Lot… et le cadre exceptionnel des habitants qui avaient la chance de vivre en dehors des villes. On a adoré ces grandes tablées, le soir, où les pèlerins se livraient à cœur ouvert autour de plats consistants. Ça a été autant une aventure humaine que physique. De retour à la gare de Creil, nous avons marché 4 km pour rentrer à la maison : 4 km d’urbanisation continue dont nous n’avions pas conscience jusque-là. Nous avons eu soif de vivre sur le long terme ce que le chemin nous avait donné à voir…
Le film « Demain » :
Ce documentaire de Cyril Dion a été une révélation. Il a élargi nos perspectives : nous étions conscients de l’importance d’une alimentation locale et bio, nous avons compris que ce n’était qu’un pan des solutions et qu’il fallait réfléchir sur l’écologie, l’économie circulaire, l’éducation alternative et la citoyenneté active. Au cinéma, nous nous sommes tous levés à la fin de ce film pour applaudir et nous interpeller les uns les autres : « Et vous, qu’avez-vous envie de faire pour demain ? » Depuis ce jour, le domaine de la Clauzade est devenu un champ d’expérimentation pour offrir à nos hôtes une expérience positive de séjour éco responsable.
Nos valeurs au quotidien
Notre gestion du domaine repose sur un engagement écologique qui progresse, à notre rythme. Ce n’est en rien un simple positionnement marketing, le Domaine est un lieu militant qui ne s’en cache pas et tant pis pour ceux que cela hérissent. Chaque décision est guidée par ce choix militant:
- Privilégier les achats locaux et responsables.
- Concevoir des aménagements durables et harmonieux avec la nature.
- Sensibiliser nos hôtes à une consommation et des comportements écoresponsables et à l’attrait du slow tourisme.
Il ne s’agit pas de culpabiliser nos hôtes mais de proposer une expérience alternative enthousiasmante : les rendre fiers et heureux d’avoir choisi un établissement en harmonie avec son environnement.
Les défis rencontrés
Comme tout grand projet, celui-ci n’a pas été sans embûches :
Difficultés financières :
Malgré nos ressources solides (une maison payée, des postes stables, et des économies), il a été très difficile de convaincre une banque de soutenir ce projet.
Premières années d’incertitude :
Nous avons appris à vivre avec moins et choisis de travailler en continu pour se donner toutes les chances de réussir à vivre de ce projet. Ça nous est arrivé de faire table d’hôte 29 jours d’affilés, sans reprendre notre souffle. Ça implique beaucoup d’heures de ménage, de linge, de cuisine, de vaisselle et d’échanges avec nos hôtes puisque de 2015 à 2020 (Covid), nous mangions tous les soirs avec nos convives.
Travailler en couple :
Bien que partageant les mêmes objectifs, il nous a fallu apprendre à communiquer davantage et à gérer nos différences d’approche sur les priorités. Tous n’aspirent pas à une vie si fusionnelle et nous souhaitons à chaque couple de trouver la vie qui lui convient. Pour nous, vivre ainsi au quotidien est un luxe. Nous nous découvrons encore malgré tout
Gérer des cascades de problèmes :
Des tempêtes, des pannes, des infiltrations, l’inflation, des assureurs qui tournent le dos aux grands hébergements… : Il faut avoir les reins solides pour faire face au quotidien d’une entreprise basée sur l’immobilier. Un jour, vous vous formez à être Community manager, un autre vous suivez des tutos sur YouTube pour réparer la machine à laver. Un jour, vous améliorez le SEO de votre site internet et l’heure suivante, vous coupez du bois ou vous vous lancez dans la confection d’une omelette norvégienne
Ce qui rend La Clauzade unique
Ce que nous voulons faire à la Clauzade, c’est faire vivre à nos hôtes un peu de ce qui nous amené ici. C’est en ça que nous espérons que cela sera une une expérience incomparable :
Un lieu de rassemblement à taille humaine
Pour les formateurs, les entreprises, les familles et les amis : Avec sa proximité à Tulle et Brive, au carrefour des autoroutes A20 et A89, le domaine combine accessibilité et isolement pour un cadre paisible.
Un havre de nature :
Notre parc boise de deux hectares et nos hébergements écologiques près de l’étang invitent au repos et à la reconnexion avec l’essentiel.
Des infrastructures écoresponsables :
Des terrasses végétalisées aux matériaux nobles utilisés pour les rénovations de cette ancienne ferme, chaque détail se veut en harmonie avec la nature.
Et maintenant ?
Chaque jour à La Clauzade est une aventure. Après les épreuves du covid, nous avons enrichi nos compétences et renforcé notre polyvalence. Aujourd’hui, nous accueillons les familles, entreprises et randonneurs en quête d’authenticité, de convivialité et de gastronomie locale. Nous sommes en passe de terminer la Kerterre, notre 3ème et dernier logement insolite. Il y aura bien sur toujours de nouvelles envies de faire évoluer le lieu, mais cette kerterre sera le dernier gros investissement, parce que nous ne sommes toujours que deux pour gérer tout ça et voulons vraiment un établissement qui permettent de réelles rencontres à taille humaine.
Revue médias :
Et si cette interview vous laisse sur votre faim voici quelques médias qui se sont intéressés à notre aventure :
La montagne (01/01/2017) : Ce couple a quitté la région parisienne pour Saint-Germain-les-Vergnes
La montagne (01/01/2017) : Comment faire vivre une ruche d’un nouveau type dans sa grange ?
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